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2015-01-02*L’article écrit pour Regards Persanes, mon blog sur Rue89
Bahareh Hedayat, incarcérée depuis 2009 pour raisons politiques à la prison d’Evin à Téhéran, a publié sur le site Kalame une lettre où elle remet en cause l’action des défenseurs des droits de l’homme. Selon elle, ils n’exercent pas leur activité de manière équitable, en mettant de côté certains cas trop sensibles.
Bahareh Hedayat était porte-parole du regroupement de syndicats étudiants Takim-e Vahdat en 2009. Elle a été arrêtée suite aux troubles liés à la réélection contestée du candidat conservateur Mahmoud Ahmadinejad à la Présidence.
Elle souligne dans sa lettre l’inaction des principaux défenseurs des droits de l’homme, pour l’essentiel installlés à l’étranger, face à la répression du mouvement vert, qui a conduit à l’arrestation de nombreux leaders étudiants et représentants de la société civile.
« Le silence concernant le sort de nombreux prisonniers politiques semble immoral »
Sur la question des prisonniers politiques, elle s’exprime en ces termes :
« La question des prisonniers politiques appartient au champ des droits de l’homme. Or si les défenseurs de droits de l’homme sont favorables à une défense impartiale des prisonniers ou du moins s’engagent pour “soutenir le droit à l’accès à un procès et à un jugement équitable”, malheureusement leur silence concernant le sort de nombreux prisonniers politiques semble immoral. »
Mais qui est Bahareh Hedayat ? Une personnalité reconnue, couronnée en 2012 par le prix Edelstam (attribué par une ONG suédoise récompensant les attitudes exemplaires au service des droits de l’homme).
Il est donc particulièrement remarquable qu’une militante ayant payé si cher son engagement en faveur de la démocratie et des droits de femmes prenne ses distances par-rapport aux structures officielles de défense des droits de l’homme.
« Combien de fois les stars des droits de l’homme ont-elles prononcé le terme mouvement vert ? »
Elle affirme plus loin que « le silence au sujet des droits de l’homme équivaut à un arrangement obscur, et cela est contraire à la transparence que nous attendons. »
On peut se demander avec qui et pourquoi ces militants ont conclu un tel arrangement. Elle y répond plus loin. Condamnée à neuf ans de prison ferme, Bahareh Hedayat cherche probablement à mettre en cause l’attitude de certains de ses compatriotes, reconnus pour leur engagement en faveur des droits de l’homme, et qui, selon elle, ont une attitude sélective envers les prisonniers politiques :
« Combien de fois les stars des droits de l’homme ont-elles prononcé le terme mouvement vert ou ont mentionné les noms de Mousavi, Karroubi, ou Rahnavard ?
« Garder le silence, loin d’être apolitique, est une prise de position politique »
Bahareh Hedayat souligne ici la stratégie de délégitimation du mouvement vert mise en place par les autorités iraniennes : en refusant d’employer le nom officiel du mouvement, elles nient sa structure et sa cohérence, et laissent entendre qu’il ne s’agirait que d’un regroupement hétéroclite de perturbateurs.
Le terme fetneh, d’origine religieuse (en arabe fitna), est une allusion à la discorde idéologique et sociale introduite par un groupe sécessionniste dans la société. Si de nombreux militants du mouvement vert sont laïques, ses figures les plus importantes sont des musulmans réformistes, que le terme fetneh vise spécifiquement.
Il n’est pas impossible que le silence qui entoure le sort de ces leaders politiques soit lié à leur appartenance religieuse.
Bahareh Hedayat « estime que garder le silence, loin d’être apolitique, est une prise de position politique ».
En effet, les activistes qu’elle critique sont, pour l’essentiel, des opposants farouches au régime actuel. Or les prisonniers politiques dont elle fait partie sont plutôt favorables à une réforme interne du régime, qu’ils jugent possible et nécessaire à court terme.
Le silence qui pèse sur leur action serait donc manière d’étouffer leurs revendications et de leur ôter toute légimitité.
Sortir des obsessions médiatiques occidentales
Pour finir, elle appelle les « les activistes réputés des droits de l’homme » à prendre conscience de l’ampleur de l’enjeu, certes peu médiatiques, et à sortir des luttes partisanes :
« [Ils] se sont démenés pour empêcher l’exécution de Sakineh Mohammadi Ashtiani. Pourtant, la mise en résidence surveillée des leaders du mouvement vert est elle aussi une cause nationale, en raison du nombre d’individus concernés – plusieurs milliers – , du nombre de personnes dont les droits fondamentaux ont été bafoués et dont les attentes n’ont pas été satisfaites.
Elle achève sa lettre, envoyée de la prison d’Evin où elle doit rester jusqu’en 2020, par cette critique virulente :
« Je rêve qu’un jour viendra où les défenseurs des droits de l’homme n’agiront plus par fantaisie ou par calcul politique, mais observeront l’action des pouvoirs et des Etats. Mais il me semble que l’observation du respect des droits de l’homme a besoin d’un autre observateur. »
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